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Maui

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4 mai 2011

Quelques mots sur les dieux

 

A l'instar d'Anne Lavondès, citant Alain Babadzan, on peut classer les dieux polynésiens en trois grandes catégories. Ainsi, les dieux pouvaient être :

 

" - principaux, responsables de la création du monde visible, ou ayant des attributions précises (dieux de la nature sauvage, de l'océan, des cultures vivrières, de la guerre, des artisans, etc.) ; ils pouvaient être invoqués ou vénérés par des groupes nombreux, sans liens de parenté connus;

 

- tribaux, et;

 

- familiaux : il s'agissait de chefs défunts et d'ancêtres divinisés."

 

 

 

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4 mai 2011

Le mythe de Maui

 

Le personnage de Maui Maui

 

Maui est un des personnages les plus connus dans le monde polynésien. A ce propos les auteurs de l’ouvrage Vaka Moana Voyages of the ancestors écrivent : « the Maui traditions, which span the breadth of Micronesia, Melanesia and Polynesia, are the most widely kwown and oldest culture hero traditions in the Pacific, the geographic distribution suggesting that they date from the early Lapita period between 4000 to 6000 years ago. »[1] Ses aventures sont contées dans toutes les îles avec quelques variantes. Selon les versions, Maui est le grand prêtre des Dieux dont le but est d’étendre sa prêtrise : « Mâ-û-i (Invocation) était le nom des prières au marae ainsi appelées en souvenir de Mâ-û-i le prêtre, fondateur des rites religieux. »[2] Il est aussi prophète. Dans d’autres versions, il est demi-dieux, fils du soleil contre qui il est en colère, ou bien fils de Ta’aroa et d’une humaine. Cependant, quelques soient les versions, Maui est toujours considéré comme un héros. En effet, du fait de sa naissance, il a un statut particulier. « Né prématurément, fœtus informe abandonnée sans rituel pour mort aux flots des vagues […] il sera sauvé in extremis par son ancêtre Tama-nui-ki-te-Rangi. »[3]

 

Le mythe et son analyse

 

Nous nous attardons ici sur le mythe de Maui attrapant le Soleil. Nous nous basons sur l’ouvrage Légendes tahitiennesprésentées par Louise Peltzer, qui a l’avantage d’exposer la version du mythe en tahitien et en français.

 

Le mythe retrace la capture du Soleil par Maui. Ce dernier en colère contre le Soleil, qui n’illuminait les journées que de quelques heures, forçant ainsi les humains à manger cru ce qui les rendirent malades, décida de lui tendre un piège afin de permettre aux hommes de bénéficier d’assez de lumière pour leurs travaux. Capturé, le Soleil fut contraint d’obéir et de ralentir sa course dans le ciel.

 

Ce mythe met en scène quatre personnages : Ta’aroa, le soleil, Maui et Hina. Ta’aroa est le dieu de la création. Il est l’Unique : « Ta’aroa-le-grand, l’Unique, avait installé la voûte céleste, il avait stabilisé le socle terrestre »[4]. Le soleil est un élément naturel. Maui est le protagoniste du mythe. Dans cette version, on ne connait pas sa généalogie. Hina est la petite sœur de Maui. On constate donc qu’il y a plusieurs sphères en commun. En effet, on trouve trois sphères : la sphère des dieux, représentée par le dieu créateur Ta’aroa, la sphère de la nature symbolisée par le soleil et la sphère humaine incarnée par Hina. Nous avons « oublié » Maui, car du fait de son action, il nous semble qu’il ne fait parti d’aucune des sphères que nous venons de citer.

 

Ta’aroa, en tant que dieu, est supposé être un être infaillible : « Ta’aroa-le-grand, l’Unique, avait installé la voûte céleste, il avait stabilisé le socle terrestre. […]Ta’aroa avait tout prévu pour rendre la vie des hommes agréable dans ce monde. Seulement, il avait oublié une chose, il avait oublié de régler la marche du soleil. »[5] Or, on constate qu’il omet de régler la marche du soleil. Comment est-ce possible ? Comment un dieu, être parfait par principe, peut-il commettre une erreur de cette taille ? Son « oubli » cause la perte des hommes, alors que son objectif est créer un monde où les hommes vivraient de manière« agréable ».

 

Les hommes sont présentés comme des êtres contraints : « en effet, les habitants de cette terre ne pouvaient vaquer tranquillement à leurs occupations, ils n’avaient pas le temps de finir leurs ouvrages que déjà le soleil terminait sa course dans le ciel. Les hommes n’avaient pas le temps de cuire leurs aliments, ils avaient la peine le temps d’allumer leur four et d’y mettre leur nourriture que déjà il faisait nuit. »[6] Ils sont dépendants du soleil. Ils sont tant dépendants qu’ils ne peuvent pas se nourrir de manière convenable :« à force de manger cru, leurs lèvres s’enflammèrent »[7]. Qui plus est, ils sont présentés comme des êtres non novateurs :« les hommes n’avaient plus le temps de terminer leurs travaux »[8][8]. Qu’est-ce qu’ils les empêchent de créer une autre source de lumières leur permettant d’arriver à leur fin ? On remarque donc que le soleil est un élément non contrôlable, ni par les dieux, ni par les hommes, d’où le statut particulier de Maui, qui lui y arrive.

 

Maui est guidé par la colère. La souffrance qu’éprouve sa sœur le conduit à agir. Il est intéressant de voir qu’il s’en prend au soleil. Il n’en veut pas à Ta’aroa qui est responsable de cette erreur. Il décide de régler le« problème » de la marche du soleil lui-même, sans faire appel aux dieux. Il fait donc preuve d’innovation contrairement aux hommes. Il fait d’autant plus preuve d’innovation qu’il décide de rajouter une mèche de cheveux d’Hina dans son piège, comme si les cheveux de la jeune fille disposaient d’un quelconque pouvoir. Lorsqu’il met en place son piège et qu’il arrive à capturer le soleil, il n’hésite pas à mettre en jeu le sort de l’humanité : « dès qu’il aperçut le disque solaire, Maui lança son piège. […] Le soleil était devenu comme fou à ce moment-là. Il entra dans une violente colère et décida de chauffer. Il chauffa, il chauffa si fort que toutes les lianes brûlèrent, toutes les écorces brûlèrent, seul le cheveu de Hina résista à la chaleur. Le récif brûla aussi, les poissons moururent calcinés, la mer bouillonnait, malgré cela, Maui ne lâcha pas prise. »[9]   De par cette action, Maui possède un statut différent des autres protagonistes. En effet, il est le seul à oser combattre un élément naturel. Par conséquent, on peut affirmer qu’il est plus qu’un homme. Qui plus est, il arrive à contrôler cet élément. Il est d’une certaine manière supérieur aux dieux. Il leur est supérieur grâce à son intelligence et à sa malignité. On peut donc le considérer comme un héros. En effet, grâce à son intelligence il réussit à vaincre le soleil. Il possède donc un statut particulier, qui ne le classe ni chez les hommes, ni chez les dieux. Sa victoire marque le contrôle du temps. En effet, la capture du soleil n’illustre pas seulement le contrôle de la lumière. Il s’agit du contrôle du temps : en ralentissant la course du soleil, Maui permet aux hommes de bénéficier de plus de temps pour cuire leurs aliments et surtout pour finir leurs ouvrages. Il est donc l’intermédiaire entre les hommes et les dieux.

 

Arrêtons-nous quelques instants sur le personnage de Hina. Il est intéressant de voir que Hina est le seul personnage féminin du mythe. De plus, elle est la seule victime du soleil nommée, comme si à elle seule elle représentait la condition humaine victime de la nature. Qui plus est, c’est grâce à sa mèche de cheveux que Maui arrive à emprisonner le soleil. Puisque c’est par elle que la résolution du problème initial est possible, peut-on émettre l’hypothèse que sa condition de femme lui permet d’acquérir un certain pouvoir ? Etant donné que nos propos se concentrent sur le personnage de Maui, nous laissons cette hypothèse en suspend, mais il serait intéressant d’explorer cette voie en ce qui concerne le statut des femmes dans la mythologie polynésienne.

 

Puisque Maui est le justicier, peut-on considérer ce mythe comme l’illustration de la remise en question du pouvoir ? Etant donné que nous disposons de peu d’informations sur l’histoire de la politique en Polynésie, nous n’avancerons pas réponses à cette hypothèse. Cependant, nous gardons l’idée selon laquelle Maui est un personnage intermédiaire entre les dieux et les hommes et qu’ils possèdent un certain pouvoir. Une question surgit : peut-on, comme beaucoup d’analyses le font, considérer Maui comme un trickster ?

 

Une autre analyse

 

Comme nous l’avons précédemment, Maui, du fait de sa naissance, possède un statut particulier : « né prématurément, fœtus informe abandonné sans rituel de mort aux flots des vagues, il réunit toutes les conditions pour incarner une entité redoutable, résultat d’une « mauvaise mort » : prématuré et privé de rites de passage, il était voué à hanter les vivants de la pire façon ; esprit sans identité, non désacralisé à la naissance, sans rites d’ancestralisation, il avait tout pour devenir vārua’ino, tupapa’u, esprit errant et malfaisant… Heureusement, il sera sauvé in extremis par son ancêtre Tama-nui-ki-te-Rangi »[10]     .

 

Par sa naissance, Maui transgresse déjà le monde. Il le transgresse d’autant plus qu’il ne possède pas de manaancestral protecteur : « hélas pour lui, Makea, son père, a failli dans la récitation des prières cérémonielles qui devaient lui assurer un mana ancestral protecteur. » Bien qu’il ne possède pas de manaancestral protecteur, Maui possède du mana. Marcel Mauss écrit d’ailleurs « le manan’est pas simplement une force, un être, c’est encore une action, une qualité et un état. En d’autres termes, le mot est à la fois un substantif, un adjectif, un verbe. On dit d’un objet qu’il est mana, pour dire qu’il a cette qualité ; et dans ce cas, le mot est une sorte d’adjectif (on ne peut pas le dire d’un home). On dit d’un être, esprit, homme, pierre ou rite, qu’il a du mana, le « mana de faire ceci ou cela ». […] En somme, ce mot subsume une foule d’idées que nous désignerions par les mots de : pouvoir de sorcier, qualité magique d’une chose, chose magique, être magique, avoir du pouvoir magique, être incanté, agir magiquement […]. Il réalise cette confusion de l’agent, du rite et des choses […]. »[11]    Par conséquent, Maui a du pouvoir. En est-il pour autant magique ? On peut l’affirmer, car qu’est-ce qu’il amène à prendre une mèche de cheveux de Hina ? C’est acte nous montre qu’il possède une connaissance magique.

 

Qui plus, Maui est un être transgressif par son action : il est le seul à oser combattre un élément naturel, censé être incontrôlable. Cependant, il le fait pour la bonne cause. Il veut sauver sa sœur et en même temps l’humanité.

 

Laura Makarius, dans son article Le mythe du« trickster », met en avant l’hypothèse que Maui est un trickster. Dans une note de bas de page, elle définit le trickster comme un « «joueur de tours », mais avec une nuance de malice que l'expression française ne rend pas. […] Il représente une combinaison de force, de faiblesse, de sagesse, de puérilité et de malice (Grinnell, 257 ; v. aussi Brinton, 1868, 161-2). »[12]     Sa thèse est que le trickster « c'est la violation magique des interdits »[13]     . Elle écrit plus loin « l'observation ethnographique montre que les tabous, qui en général sont l'objet du respect le plus strict, sont parfois délibérément violés par des individus qui escomptent obtenir par leur transgression des résultats favorables. La croyance qui fonde ces comportements n'a pas jusqu'ici été expliquée, et l'explication ne peut être recherchée que dans l'étude des tabous qui sont ainsi transgressés.»[14]     Selon nous, Maui est effectivement un trickster mais pas parce qu’il violerait un interdit. Dans le cadre du mythe que nous avons étudié, il n’y a pas d’interdit et il n’y a pas de violation. Certes, il transgresse délibérément dans le but d’obtenir des résultats favorables. Mais aucun tabou n’est violé. Maui est un trickster parce qu’il transgresse un ordre. Cependant, il s’agit d’un ordre tout à fait contestable. Par conséquent, nous définissons le trickster comme un être transgressif par sa nature et par ses actions.

 


 

 

 

 

 



[1]   K. R. Howe (édité par), Vaka Moana Voyages of the ancestors The discovery and settlement of the Pacific, Honolulu, University of Hawai‘i Press, 2007.

[2]   Henry, Teuira (réunis par) Mythes tahitiens, Paris, Gallimard, 1993.

[3]   Rigo, Bernard, Altérité polynésienne ou les métamorphoses de l’espace-temps, Paris, CNRS Editions, 2004. Citation p. 227.

[4]   Peltzer, Louise (présentées par), Légendes tahitiennes, Paris, Fleuve et Flamme, 1985. Citation p. 17.

[5]   Peltzer, Louise (présentées par), Légendes tahitiennes, Paris, Fleuve et Flamme, 1985. Citation p. 17.

[6]   Peltzer, Louise (présentées par), Légendes tahitiennes, Paris, Fleuve et Flamme, 1985. Citation p. 17.

[7]   Peltzer, Louise (présentées par), Légendes tahitiennes, Paris, Fleuve et Flamme, 1985. Citation p. 18.

[8]   Peltzer, Louise (présentées par), Légendes tahitiennes, Paris, Fleuve et Flamme, 1985. Citation p. 18.

[9]   Peltzer, Louise (présentées par), Légendes tahitiennes, Paris, Fleuve et Flamme, 1985. Citation p. 20-23.

[10]     Rigo, Bernard, Altérité polynésienne ou les métamorphoses de l’espace-temps, Paris, CNRS Editions, 2004.

[11]     Mauss, Marcel, Esquisse d’une théorie générale de la magie in Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1950.

[12]     Makarius, Laura, Le mythe du « Trickster », In: Revue de l'histoire des religions, tome 175 n°1, 1969. pp. 17-46.

[13]     Makarius, Laura, Le mythe du « Trickster », In: Revue de l'histoire des religions, tome 175 n°1, 1969. pp. 17-46. Citation p. 19.

[14]     Makarius, Laura, Le mythe du « Trickster », In: Revue de l'histoire des religions, tome 175 n°1, 1969. pp. 17-46. Citation p. 19.

 

 

4 mai 2011

Henri Hiro

Henri_HiroHenri Hiro (1944-1990) est un poète, un intellectuel et un cinéaste tahitien. Il est issu d’une famille de pêcheurs et d’agriculteurs protestants, ce qui a certainement dû jouer un rôle dans son parcours intellectuel, puisqu’il est parti faire des études théologiques à Montpellier de 1967 à 1972. De son retour de France, il devient « apôtre du retour aux sources religieuses ma’ohi » dans le but de dénoncer les essais nucléaires français, qui ont eu lieu de 1966 à 1996. Son parcours religieux et sa détermination à ne s’exprimer qu’en tahitien ont contribué à créer un fort renouveau identitaire, comme en atteste le mouvement militant qu’il a crée Hau Maohi.

 


 

 

4 mai 2011

Vidéos

4 mai 2011

Bibliographie

 

Bibliographie succincte

 

Baré, Jean-François, Tahiti, les temps et les pouvoirs Pour une anthropologie historique du Tahiti post-européen, Paris, Editions de l’ORSTOM, 1987.

 

Bernand Carmen, Capone Stefania, Lenoir Frédéric et Champion Françoise, « Regards croisés sur le bricolage et le syncrétisme », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 114 | avril-juin 2001, mis en ligne le 19 août 2009. URL : http://assr.revues.org/20727

 

Blanchet, Gilles, « La Polynésie française à la recherche de son identité », Le Journal de la Société des Océanistes [En ligne], 116 | Année 2003-1, mis en ligne le 26 mai 2008. URL : http://jso.revues.org/index1127.html

 

Celentano, Alexandrine, « La jeunesse à Tahiti : renouveau identitaire et réveil culturel », Ethnologie française 2002/2, Tome XXXVII, p. 647-661.

 

Coppenrath, Hubert, « L'Académie tahitienne. In: Journal de la Société des océanistes ». N°48, Tome 31, 1975. pp. 262-300. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1975_num_31_48_2713

 

Durban, Jean-François, Les acteurs de la tradition en Polynésie française, Paris, éd. L’Harmattan, 2005, p.111.

 

Faessel, Sonia, Poètes de Tahiti, éd. La table ronde, 2001.

 

Galliot, Sébastien, « Un rite de passage polynésien : le tatouage samoan » in Corps 1/2009 (n° 6), p. 77-94.

 

Gell, Alfred, Wrapping in images, Tattoing in Polynesia, Oxford, Claredon Press, 1993.

 

Gille, Bernard et Toullelan, Pierre-Yves, Le mariage franco-tahitien, Histoire de Tahiti du XVIIIème siècle à nos jours, Tahiti, éditions Polymages-Scoop, 1992.

 

Graffe, Raymond, « L’opération du tatouage» in Barbieri, Gian Paolo, Tahiti Tattoos, éd. Taschen, 1998.

 

Lavondès, Anne, « Un modèle d’identité : le tatouage aux îles de la Société » in Cahiers des Sciences humaines, volume 26, n°14, 1990, p. 605 – 621.

 

« Les dieux d’autrefois dans l’art polynésien « représentations symboliques et supports esthétiques » », ORSTOM, Paris, mai 1984.

 

 

 

Lemaîre, Yves, Structure du tahitien, Résumé de conférence, éd. ORSTOM, 1971.

 

Ottino-Garanger, Marie-Noël, « Tatouage et conception du corps aux Marquises, Polynésie française », in Journal français de psychiatrie, volume 1, n°24, 2006, p.12-16.

 

Paia, Mirose et Vernaudon, Jacques, Tahitien, ia ora na, Méthode de langues, éd. Bibliothèque du centre Pompidou, 2003.

 

Peltzer, Louise, « Description phonologique du tahitien », La Linguistique, Vol. 33, Fasc. 1 (1997), pp. 111-125.

 

Légendes tahitiennes, éd. Fleuve et flamme, 1985.

 

Pottier, Philippe,  « De l’indien au tahitien : toujours l’autre, encore nous », 2002.  

 

Rigo, Bernard, « Enjeu d’une pensée métisse : déstructuration ou dialectique ? », Le Journal de la Société des Océanistes [En ligne], 119 | Année 2004-2, mis en ligne le 01 décembre 2007. URL : http://jso.revues.org/index144.html

 

Saura, Bruno, Tahiti Ma’ohi, Culture, identité, religion et nationalisme en Polynésie française, Tahiti, éd. Au vent des îles, 2008.

 

« Dire l’autochtonie à Tahiti. Le terme ma¯’ohi : représentations, controverse et données linguistiques » Journal de la Société des Océanistes, 119, 2004-2.

 

Tetahiotupa, Edgar,  « Les langues polynésiennes : obstacles et atouts », Le Journal de la Société des Océanistes [En ligne], 119 | Année 2004-2, mis en ligne le 01 décembre 2007. URL : http://jso.revues.org/index128.html

 

Wiener, Simone, «  Le tatouage, de la griffe ordinaire à la marque subjective » in Essaim, volume 2, n°8, 2001, p.35-49.

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4 mai 2011

Liens internet

Liens internet concernant les établissaments universitaires:

- Université de Polynésie française : http://www.upf.pf/

- Ecole des hautes études en sciences sociales : http://www.ehess.fr/fr/

- Institut national en langues et civilisations orientales : http://www.inalco.fr/

 

Liens internet concernant les institutions gouvernementales :

- Legifrance.gouv.fr "Le service public de la diffusion du droit" --> à propos du statut d'autonomie de la Polynésie française

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=A8A0BA4603C2769A378E423A89DC2095.tpdjo06v_1?cidTexte=JORFTEXT000000435515&dateTexte=20040302&categorieLien=id#JORFTEXT000000435515

- L'Outre-mer.gouv.fr http://www.outre-mer.gouv.fr/?-polynesie-francaise-.html

 

Liens concernant les institutions tahitiennes:

- Académie  tahitienne : http://www.farevanaa.pf/

- Institut de la statistique de la Polynésie française : http://www.ispf.pf/ISPF/Home.aspx

- Conservatoire artistique de la Polynésie française : http://www.conservatoire.pf/index.php?option=com_content&view=frontpage&Itemid=1

- Gouvernement de la Polynésie française : http://www.presidence.pf/

 

Liens internet concernant les tatoueurs polynésiens :

- Festival Tattonesia : http://tattoonesia.blogspot.com/

- Blog  de Chimé : http://www.myspace.com/chimetattoo

- Blog de Vatea : http://www.myspace.com/vatea-manatahititatau

- Site de Roonui : http://www.roonui-tattoo.com/

- Site d'Elis Tautu : http://www.taututattoo.com/Home.html

- Site de Purotu : http://www.purotu.com/

 

Liens internet concernant les médias polynésiens :

- Tahiti presse : http://tahitipresse.pf/

- La dépêche de Tahiti : http://www.ladepeche.pf/

- Tahiti-Pacifique (mensuel d'information et d'économie) : http://www.tahiti-pacifique.com/

- Les nouvelles de Tahiti : http://www.lesnouvelles.pf/

- Tahiti.TV (webTV de Tahiti et ses îles) : http://www.tahiti.tv/

 

Liens divers :

- Journal de la société des océanistes : http://jso.revues.org/

- CAIRN (portail de revues en sciences sociales) : http://www.cairn.info/

- à propos d'Henri Hiro (poète tahitien ayant largement contribué au renouveau identitaire à Tahiti) : http://www.hiroa.pf/2010/03/henri-hiro-la-pensee-en-actes/

- Edition Haero Po (maison d'édition de livres réalisés et imprimés à Tahiti) : http://www.haerepo.com/gratuit.html  

- île en île (site visant à valoriser les ressources informatiques et culturelles du monde insulaire francophone) : http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/

- Océanie.org (exposition virtuelle dont le but est de faire connaître l'Océanie et ses peuples) : http://oceanie.org/accueil.html

- Autronesian Basic vocabulary database (base de données sur les langues austronésiennes réalisée par l'université d'Auckland) : http://language.psy.auckland.ac.nz/austronesian/ 

 

 

3 mai 2011

Chercheurs et enseignements

Les chercheurs

 

- Serge Tcherkézoff : Serge_Tcherk_zoff

directeur d'études à l'EHESS. A pour domaines de recherche la déconstruction historique de la vision européenne de l'espace "Pacifique", "Océanie", et de ses subdivisions ("Mélanésie", "Polynésie"...), la révision des récits occidentaux sur les premières rencontres avec les Polynésiens et l'histoire des théories holistes en anthropologie sociale. A pour terrain les Samoa depuis 1981. Pour plus d'informations, sa page personnelle sur le site du CREDO :

http://www.pacific-credo.fr/index.php/fr/serge-tcherkezoff

 

 

- Simonne Pauwels : Simonne_Pauwels

chargée de recherche au CREDO (Centre de Recherche et de Documentation sur l'Océanie). A pour domaines de recherche la parenté, les relations de germanité et l'organisation sociale et rituelle. A pour terrain le Pacifique Sud et et l'Indonésie de l'Est.

 

 

 

- Lorenzo Brutti : Lorenzo_Bruttiingénieur de recherche au CNRS. A pour domaines de recherche l'anthropologie visuelle et multimédia, le cinéma ethnographique, l'anthropologie de l'objet, le rituel, le mythe et la psychologie sociale. A pour terrain la Papouasie et la Nouvelle-Guinée.  

 

 

 

- Françoise Douaire-Marsaudon : directrice de recherche au CNRS. A pour domaines de recherche les rapports entre la construction socio-politique et la formation de la personne dans les systèmes hiérarchisés. Elle s'intéresse également aux questions de sexe/genre, la sexualité, l'identité culturelle, mais aussi à la parenté, à la mémoire et à l'histoire. Elle a pour terrain la Polynésie occidentale et plus particulièrement Tonga, Wallis et Futuna.

 

Sandra_Revolon- Sandra Revolon : maître de conférence à l'université de Provence.  A pour domaines de recherche l'art, l'esthétique et la technologie culturelle. A pour terrain les îles Salomon.

 

 

 

 

Serge_Dunis- Serge Dunis : professeur aggrégé d'anglais à l'université de Polynésie française et civilisationniste. A pour domaines de recherche les sociétés traditionnelles du Pacifique. A pour terrain les Maoris de Nouvelle-Zélande.

 

 

 

 

Bruno_Saura- Bruno Saura : professeur de civilisation polynésienne à l'université de Polynésie française. A pour domaines de recherche les traditions orales, mais aussi les questions politiques, ethniques et religieuses à Tahiti à l'heure actuelle. Ses travaux portent essentiellement sur les ïles-Sous-le Vent.

 

 

 

 

 

- Anne Lavondès : anthropologue à l'ORSTOM en 1990. Elle s'intéresse à la question de l'identité en Polynésie, mais aussi à la religion.  

 

Marie_No_lle_Ottino_Garanger- Marie-Noëlle Ottino-Garanger : docteur en préhistoire, ethnologue et anthropologue. Elle a pour domaine de recherche le tatouage polynésien aux îles Marquises.

 

 

 

 

 

- Jean-François Baré : directeur de recherches à l'IRD. A pour thèmes de recherche l'anthropologie historique appliquée aux questions de politique publique et de développement, mais aussi  à l'anthropologie historique et plus particulièrement  à Tahiti, dans le Pacifique insulaire et à Madagascar. Il a pour aire de référence La Réunion, Madagascar, le Pacifique polynésien, le Pacifique Sud et Tahiti. Pour plus d'informations à son sujet, on peut se référer à sa page personnelle sur le site de l'université Paris 1 :

http://recherche-iedes.univ-paris1.fr/membres/membres-permanents/bare-jean-francois/article/89

 

S_bastien_Galliot- Sébastien Galliot : post-doctorant en anthropologie. Lauréat du prix OBSERVATOIRE NIVEA/CNRS en 2008, visant à récompenser des jeunes chercheurs en Sciences Humaines et Sociales sur le thème « la peau en tant qu’enjeu de cultures et de sociétés».  Il a pour principal thème de recherche le tatouage aux Samoa comme rite de passage.  

 

 

 

Louise_Peltzer- Louise Peltzer : linguiste tahitienne et professeur à l'université de Polynésie française, dont elle est la présidente jusqu'au 29 juillet 2011. 

 

 

 

 

 

Edgar_Tetahiotupa- Edgar Tetahiotupa : docteur en anthropologie sociale et culturelle. Ses recherches portent sur le bilinguisme, et les liens entre les cultures du Pacifique et du continent américain.

 

 

 

 

 

- Bernard Rigo :  philosophe, docteur en anthropologie culturelle. Enseignant à Tahiti depuis 1982, il est responsable du Laboratoire de recherche en sciences humaines de Polynésie française (LARSH). Il a pour thèmes de recherche la relation entre le sacré et le syncrétisme en Polynésie mais aussi l'identité culturelle.  

 

 

Les laboratoires

 

- Le CREDO : CREDO

Centre de recherche et de documentation sur l'Océanie. Le CREDO est un centre de recherche et de documentation pluridisciplinaire dans les domaines de l'anthropologie sociale et culturelle, de l'histoire et de l'archéologie. Le centre possède trois secteurs d'acteurs : le premier s'applique aux activités de recherche en anthropologie, histoire, ethno-archéologie et linguistique centrées sur l'Océanie (Australie, Mélanésie, Micronésie, Polynésie); le second porte sur les activités d'enseignement dispensées dans le cadre du département d'anthropologie de l'Université de Provence  et de la formation Master et doctorale de l'EHESS; tandis que le troisième concerne le centre de documenation sur les sociétés océaniennes.

Adresse du site du laboratoire : http://www.pacific-credo.fr/index.php/fr/home



- Laboratoire GDI : GDI

Gouvernance et développement insulaire. Le laboratoire GDI pluridisciplinaire regroupe des chercheurs des sciences de la société (droit, économie, gestion, histoire, géographie…) autour des notions de "gouvernance" et de "développement insulaire" en Polynésie et dans le Pacifique. L'objectif du laboratoire est d'étudier les modes d’organisation et de régulation des activités tant publiques (institutions politiques et administratives) que privées (entreprises, marchés, transferts) à travers les notions-clé de "gouvernance", "identité" et "développement".

Adresse du site du laboratoire : http://www.upf.pf/Laboratoire-GDI.html

 

- Laboratoire EAST : EAST

Sociétés traditionnelles du Pacifique : fondements culturels, histoire et représentations. Le laboratoire EAST a pour volonté de renouveler les connaissances du Pacifique en revisitant la généalogie des Austronésiens, ce qui suppose de mieux cerner la diversification des sites, des sociétés, des langues, des mythes et des arts dans cette zone géographique.

Adresse du site du laboratoire : http://www.upf.pf/Laboratoire-EAST.html

 

 

Les enseignements



INALCO- L'INALCO : Institut national des langues et civilisations orientales. L'Inalco propose des cours de tahitien (niveau licence et master), mais aussi des cours de civilisation polynésienne.



EHESS- L'EHESS : Ecole de hautes études en sciences sociales. L'EHESS propose une formation en anthropologie  avec une spécialisation à l'aire culturelle océanienne. (niveau master)

29 avril 2011

Tahiti, un mythe toujours existant?

 

 

Selon les agences touristiques, Tahiti ressemble au paradis, mais peut-on dire que Tahiti (et la Polynésie française par extension) constitue un mythe ? Pour tenter de répondre à cette question, nous aborderons dans un premier temps l’imaginaire développé par les voyageurs. Puis dans un second temps, nous aborderons l’aspect mythologique à travers un personnage mythique très populaire, Maui.


L’imaginaire développé par les voyageurs

Les voyageurs ont largement contribué à créer un imaginaire spécifique à Tahiti. Le cas de Louis-Antoine Bougainville en est un parfait exemple.

 

Bougainville et la création d’un mythe

Sonial Faessel écrit d’ailleurs « Depuis 1768, date à laquelle Louis-Antoine Bougainville prend possession de l’île de Tahiti qu’il baptise « Île de la Nouvelle-Cythère », l’image que l’on se fait de Tahiti reste la même: un rêve de paradis terrestre, avec son cortège de clichés habituels – lagon bleu, vahinés exubérantes, douceur du climat, plage de sable fin, etc. D’autres imagesfurent rapportées par Bougainville et ces compagnons: depuis, le mythe persiste. » p. 7

 

L’île de Tahiti se résume-t-elle à cela ?

 

 

Louis-Antoine Bougainville

Bougainville

Louis-Antoine Bougainville est né le 11 novembre 1729 et est mort le 31 août 1811. C’est un explorateur et navigateur français. Il est tout d’abord avocat, mais il quitte très vite à cette carrière, pour prendre celle des armes (1756 expédition au Canada). En 1759, il est promu colonel. En 1763, il quitte l’armée pour entrer dans la marine où il est nommé capitaine de vaisseau. Avec deux navires, Aigle et Sphinx, il part fonder une colonie aux îles Malouines. En 1766 il entreprend le voyage autour du monde qui le rendra célèbre. Avec la Boudeuse et L’Étoile, il quitte Brest en 1766. Par le détroit de Magellan il gagne les mers du Sud. Son parcours le mène à la Nouvelle-Cythère en avril 1768 (Tahiti), puis aux Samoa, aux Grandes Cyclades (Nouvelles Hébrides), la Nouvelle-Bretagne (îles Bismarck), la Nouvelle-Guinée, l’île Maurice. Après avoir franchi le cap de Bonne Espérance, il remonte vers Saint-Malo, où il accoste après deux ans et demi de voyage. Son récit publié en 1771 sous le nom de « Voyage autour du monde » connaît un immense succès.

 

Le mythe du « bon sauvage »

Janny Boulanger, professeur du Cégep du Vieux-Montréal, explique que « le mythe du bon sauvage, qui s’est constitué suite à la découverte de l’Amérique, est l’idéalisation des hommes vivant en contact étroit avec la nature. Il répond, entre autres, à la quête de nouvelles valeurs du 18e siècle ainsi qu’à son fougueux débat opposant« nature » et « culture ». Associé à la période de grands bouleversements de la Révolution industrielle — réorganisation sociale, développement technologique, productivité, propriété privée, etc.… — il représente un havre de paix pour toutes les âmes agitées par un futur incertain. Vivre en d’autres temps, en d’autres lieux où paix et bonheur sont assurés par une Nature bienveillante, voilà ce que propose le mythe du bon sauvage dont l’expression même est très éloquente […].»

 

Bien que le mythe du « bon sauvage » trouve sa genèse lors de la découverte de l’Amérique, le récit de Bougainville, Voyageautour du monde, 1771,contribue largement à développer ce mythe.  

 

Denis Diderot, dans le conte philosophique Supplément au voyage de Bougainville ou Dialogue entre A. et B. sur l'inconvénient d'attacher des idées morales à certaines actions physiques qui n'en comportent pas (1772), transforme son récit en éloge de la vie sauvage et en réquisitoire contre les Européens: « Va, et puissent les mers coupables qui t'ont épargné dans ton voyage, s'absoudre et nous venger en t'engloutissant avant ton retour. » Chapitre 2 Les adieux du vieillard.



Dans son article, « Paradis à vendre : tourisme et imitation en Polynésie-Française (1958-1971) », Terrain, n° 44, pp. 39-56, D. J. Sherman D. J. écrit que « le mythe français de Tahiti date vraisemblablement du récit qu’en fait Bougainville comme d’une Nouvelle Cythère, mais ses principaux interprètes à l’époque où s’édifiait l’autorité française furent le romancier Pierre Loti, le peintre Paul Gauguin, ainsi que l’essayiste et ethnographe Victor Segalen (Moorehead 2000 : 43-46, 207-208 ; Aldrich 1992 : 1-8). Les ingrédients du mythe comprenaient non seulement la beauté des paysages tahitiens et leur climat tempéré, mais aussi la douceur des habitants, la libre sexualité – en particulier féminine –et l’harmonie de la vie en société ou des rapports avec la nature. Les Européens virent quasiment dans les Polynésiens le prototype du bon sauvage, par opposition aux Mélanésiens à peau foncée – comme les Kanaks de Nouvelle-Calédonie – qu’ils tenaient pour des sauvages dépourvus de toute noblesse (Bullard 2000 : 50-53). Le mythe de Tahiti constitue ainsi une variante ou sous-catégorie du primitivisme occidental selon lequel certains peuples ont et entretiennent un style de vie « authentique », non contaminé par la « civilisation » (Thomas 1994 : 174) –comme le revendiquait encore le Club Méditerranée en 1962 »

 

 On voit donc à quel point les voyageurs ont contribué à créer une mythologie autour de Tahiti. Les arts ne sont pas innocents dans cette création. En effet, Paul Gauguin y a largement contribué.

 

 

Paul Gauguin et l’iconographie polynésienne

paul_gauguin Paul Gauguin est né le 7 juin 1848 à Paris et est mort le 8 mai 1903 à Atuona (Îles de la Marquise). Il est issu d’une famille assez aisée : son père est journaliste républicain et sa mère est la fille de Flora Tristan, qui est elle-même issue d’une famille de terriens espagnols installée au Pérou.

Après ses études, il s’engage dans la marine marchande, puis part avec la marine française naviguer sur les mers du monde. A son retour, il se transforme en agent de change à la bourse de Paris, activité qui lui réussit. Plus tard, il se passionne pour l’art et fait la rencontre de Camille Pissarro, qui l’initie à l’impressionnisme.

En 1891, ruiné, il décide de partir pour la Polynésie grâce à l’argent de la vente de ces tableaux. C’est pendant cette période qu’il peint ses plus grandes œuvres, dont notamment ce qu’il estime être son testament pictural: D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?, huile sur toile, 139,1 x 374,6 cm, 1897-1898, Tahiti, Musée des Beaux Arts, Boston.

D_o__venons_nous__Que_sommes_nous_O__allons_nous

 

 

A cela s’ajoute le rôle de la femme. En effet, la vahine a longtemps fasciné marins et peintres.


Le rôle de la femme dans l’imaginaire

L'image de la vahine a longtemps joué un rôle dans l'imaginaire occidental. En effet, la mythologie entourant Tahiti n’oublie pas les femmes : « les ingrédients du mythe comprenaient non seulement la beauté des paysages tahitiens et leur climat tempéré, mais aussi la douceur des habitants, la libre sexualité – en particulier féminine – et l’harmonie de la vie en société ou des rapports avec la nature […]».[1] Dans plusieurs journaux de bords, on retrouve cette idée de liberté sexuelle féminine : « Chaque jour nos gens se promenaient dans le pays [...]. On les invitait à entrer dans les maisons,on leur y donnait à manger ; mais ce n’est pas à une collation légère que se borne ici la civilitédes maîtres de maison ; ils leur offraient des jeunes filles. La terre se jonchait de feuillage et defleurs, et des musiciens chantaient aux accords de la flûte un hymne de jouissance. Vénus est icila déesse de l’hospitalité, son culte n’y admet point de mystères, et chaque jouissance est une fêtepour la nation. »[2] Pour Serge Tcherkézoff, « des utopies érotiques qui hantent l'imaginaire occidental, celle de l'amour libre polynésien est sans doute une des plus durables »[3], mais il a son explication. En effet, S. Tcherkézoff avance, dans son article La Polynésie des vahinés et la nature des femmes : une utopie occidentale masculine, plusieurs idées :« Tout d’abord, les Polynésiens virent dansles Européens des envoyés du monde divin : non des dieux, mais des envoyés de ces dieux,porteurs des mêmes pouvoirs sacrés, mais avec un corps humain. Ils tentèrent d’en capterl’essence en leur présentant des jeunes filles afin que celles-ci tombent enceintes. Pourquoicelles-ci devaient-elles être très jeunes ? Suivant une théorie locale de la conception, seule lafille (d’une famille de haut rang) qui n’avait pas encore enfanté avait toutes les chances decapter les pouvoirs divins et de mettre au monde un « enfant sacré». Dans la théorie tahitienneexposée au Capitaine Bligh en 1789, à l’issue de la cérémonie de mariage, c’est le « dieu »qui vient visiter l’épouse, le mari étant à ses côtés. Le premier enfant est « celui du dieu ».Tout cet ensemble de comportements fut observé dans les pratiques locales par les premiersvisiteurs de longue durée, présents à partir de 1790-1830 (aventuriers, missionnaires) : lesfamilles tentaient de marier leurs filles jeunes et vierges aux plus grands chefs. Mais cesobservateurs n’en comprenaient pas les raisons. Dans notre hypothèse, il s’agissait de capterles pouvoirs divins à l’origine du titre de chef que cet homme détenait. Pour cela, il fallait quela jeune épouse fût vierge. Ainsi, quand les premiers visiteurs européens arrivèrent, ils furentconsidérés en partie comme des chefs sacrés. Le même schéma leur fut appliqué. »[4] On remarque donc qu’il y a une mise en scène polynésienne des présentations sexuelles féminines.

 

 

Comme on a pu le voir la mythologie entourant Tahiti a largement été développé par les explorateurs. Qui plus est, elle s’est constituée  à travers le mythe du bon sauvage et de celui de la liberté sexuelle des femmes polynésiennes. Ce sont ces éléments qui ont fait que l’on considère toujours Tahiti comme un paradis terrestre. Et pourtant ce n’est pas le cas. En effet, Sonia Faessel, comme d’autres chercheurs, nous montre que la réalité est différente : « climat insupportable – très chaud et très humide toute l’année- sable noir d’origine volcanique, pays surpeuplé: Papeete n’a décidément rien d’attrayant et reste pourtant la destination privilégiée dans les agences de voyage. » De ce fait, elle s’interroge sur cet imaginaire, « pourquoi, quand on pense à Tahiti, voit-on une image du paradis? Comment s’est crée cet imaginaire, français d’abord, européen par suite de diffusion? », ce à quoi elle répond : « un imaginaire dépend d’un contexte et d’un vécu […]. La perception de Tahiti est à la fois réelle, et les descriptions de l’île et de ses habitants appartiennent au domaine de la connaissance, et virtuelle, car sur toute réalité se projettent des interprétations, liées aux idéologies d’une époque. […] ». Ainsi, «  création, interprétation, transposition sont les trois composantes de l’imaginaire européen concernant Tahiti. »[5]

 

Une question demeure, quel est l’intérêt d’étudier le mythe ? En effet, qu’est-ce que le mythe nous apporte ? Jean-Pierre Vernant, dans son ouvrage Mythe et société en Grèce ancienne, nous montre que « si le mythe ne dit pas « autre  chose » mais cette chose même qui peut en aucun cas être dite autrement, un nouveau problème se fait jour et tout l’horizon d’étude de la mythologie en est transformé : qu’est-ce donc que le mythe dit et quel rapport entre ce sens dont il est porteur et de la façon dont il le dit ? »[6].

 



[1] Sherman D. J., 2005,« Paradis à vendre : tourisme et imitation en Polynésie-Française (1958-1971) », Terrain, n° 44, pp. 39-56.

[2] Bougainville Louis-Antoine (Comte de), 1966, Voyage autour du monde, Paris, Union Générale d’Editions (coll. 10/18) (éd. originale : 1771, Voyage autour du monde par la frégate La Boudeuse et la flûte L’Etoile… 1766, 1767, 1768, 1769, Paris, Saillant et Nyon).

[3] Tcherkézoff, Serge, Le mythe de la vahiné, Sciences humaines, 2005/8, n°163.

[4]Tcherkezoff, Serge, « La Polynésie des vahinés et la nature des femmes : une utopie occidentale masculine », CLIO. Histoire, femmes et sociétés [En ligne], 22 | 2005, mis en ligne le 01 décembre 2007. URL : http://clio.revues.org/index1742.html

[5]   Toutes les citations de ce paragraphe : Faessel, Sonia Vision des îles: Tahiti et l’imaginaire européen. Du mythe à son exploitation littéraire (XVIII-Xxème siècles), Paris, L’Harmattant, 2006.

[6]Vernant, J-P., Mythe et société en Grèce ancienne, Paris, François Maspero, 1974.

 
 
29 avril 2011

Contextualisation

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Géographie :

 

La Polynésie française est un ensemble de 5 archipels français, composés de 118 îles dont 67 habitées, situé dans le sud de l'Océan Pacifique, à environ 6 000 km à l’est de l’Australie : l'archipel de la Société avec les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent, l'archipel des Tuamotu, l'archipel des Gambier, l'archipel des Australes et les îles Marquises.



Carte

 

 

Un peu d’histoire:

 

Le territoire de la Polynésie actuelle a été découvert par Samuel Wallis (lieutenant navigateur ang.) en1767 mais il est rejeté par les autochtones. Par la suite, Bougainville (navigateur fr.) accoste sur l’île en 1768 et rend célèbre l’île à travers son ouvrageVoyage autour du monde(1771). En 1769, c’est au tour de James Cook (navigateur ang.) de débarquer sur l’île dans le but de mener à bien une expédition scientifique.

Samuel_Wallis Samuel Wallis

Bougainville Louis-Antoine de Bougainville

James_Cook James Cook



 

Les navigateurs font face à une population très hiérarchisée, divisée en chefferies, dominées par des clans. Ces chefferies sont liées entre elles par des rapports d’allégeance fondés sur les liens de parenté de leurs dirigeants et leur puissance guerrière.

 

L’île est évangélisée en 1797 par les pasteurs anglais, ce qui occasionne un grand bouleversement dans la culture ma’ohi. A la suite de luttes de pouvoir entre les français et les anglais, la Polynésie est annexéepar la France en 1880 (demande de protectorat et changement de statuts progressif).

 

A l’heure actuelle, la Polynésie française est un pays d’outre-mer (POM), et ce depuis 2004. Cela lui permet d’avoir une plus grand autonomie politique au sein de la République, si l’on compare avec les départements et territoires d’outre-mer.

 

La Polynésie française a son propre gouvernement, sa propre assemblée et son propre président. L’Etat reste cependant présent à travers le Haut Commissaire d’Etat.

 

 

 



 

29 avril 2011

Le tatouage polynésien à Tahiti

Le rituel du tatouage à Tahiti (rituel « initial »)

Par « rituel initial », nous voulons  désigner le phénomène du tatouage avant son interdiction par les missionnaires anglais.

 

Etymologie du terme

L’étymologie du mot « tatouage » vient du polynésien « tatau » qui signifie « tatouage, tatouer; calcul, dénombrement; demander, appeler; provoquer » selon le Dictionnaire français-tahitien de Tepano Jaussens  (1861). On utilise aussi le terme «  nana‘o » qui signifie « décorer; orner; tatouer; gribouiller; griffonner; sculpter » d’après le Lexique du tahitien contemporain d’Yves Lemaître(1995), mais aussi « introduire à la main » selon le Dictionnaire tahitien-anglais  de John Davies  (1851).

 

Le terme apparaît pour la première fois en 1769 dans le Journal de bord de Joseph Banks, naturaliste à bord du bateau The Enveadour de James Cook. L’expédition de James Cook avait pour but de mener à bien une expédition scientifique et de mettre fin au mythe du « bon sauvage ». C’est pour cette raison qu’il était accompagné notamment d’astronomes, de naturalistes et de botanistes. On doit d’ailleurs à Joseph Banks de nombreuses données sur le tatouage. En effet, le tatouage prend une grande place dans son Journal de bord. Il écrit d’ailleurs :

 

« Tahiti: August, 1769: I shall now mention their method of painting their bodies or “tattow” as it is called in their language. This they do by inlaying the color black under their skins in such a manner as to be indelible; everyone is marked thus in different parts of his body accordingly maybe to his humor or different circumstances of his life. Some have ill designed figures of men, birds or dogs but they more generally have this figure “Z” either simply, as the woman are generally marked with it, on every joint of their fingers and toes and often round the outside of their feet, or in different figures of it as square, circles, crescents, etc. which both sexes have on their arms and legs. In short they have an infinite diversity of figures in which they place this mark and some of them, we were told, had significations but this we never learned to our satisfaction. Their faces are in general left without any marks.[…] » The Endeavour Journal, 1768-1771. [1]

 

Le tatouage a été interdit dans les années 1820 par les missionnaires anglais qui le jugeaient en lien avec le paganisme contre lequel ils luttaient. Toutefois, on assiste depuis  les années 1970 et 1980 à ce que Bruno Saura, professeur en Civilisation polynésienne à l’université de la Polynésie française, qualifie de « renaissance artistique et identitaire ».

 

Le mythe expliquant le tatouage

Si l’on se réfère à la version de Teuira Henry[2], le tatouage était pratiqué par les divinités siégeant dans le , qu’on peut définir comme étant l’univers des divinités et des origines.

 

Il aurait été inventé par les deux frères dieux Matamata ‘Ārahu et Ti’iti’ipō, liés au dieu des arts et des artisans, Ta’ere, dans le but de séduire Hina’ere’eremanu’a, la fille née du premier humain Ti’i et de la déesse Hina.

 

Retenue par ses parents dans un enclos fermé, elle fut séduite par les « dessins » ornant les dieux. (Il faut comprendre ici par « dessins » les tatouages). Elle s’enfuit avec eux, poussée par le désir de se faire tatouer à son tour.

 

Description du rituel

Nous possédons très peu de donnés décrivant le rituel en lui-même à cette époque. Toutefois, Joseph Banks, dans son Journal de bord, décrit une opération de tatouage à laquelle il a pu assister :

 

« 5 July 1769 : This morn I saw the operation of Tattowing the buttocks performd upon a girl of about 12 years old, it provd as I have always suspected a most painfull one. It was done with a large instrument about 2 inches long containing about 30 teeth, every stroke of this hundreds of which were made in a minute drew blood. The patient bore this for about _ of an hour with most stoical resolution; by that time however the pain began to operate too stron[g]ly to be peacably endurd, she began to complain and soon burst out into loud lamentations and would fain have persuaded the operator to cease; she was however held down by two women who sometimes scolded, sometimes beat, and at others coaxd her. I was setting in the adjacent house with Tomio for an hour, all which time it lasted and was not finishd when I went away tho very near. This was one side only of her buttocks for the other had been done some time before. The arches upon the loins upon which they value themselves much were not yet done, the doing of which they told causd more pain than what I had seen. […] »[3]

 

Si l’on se réfère à Raymond Graffe, l’opération du tatouage impliquait un cérémoniel composé de chants, de danses et d’un breuvage, qu’on appelle ‘ava (toujours utilisé selon R. Graffe), fait à partir du Piper methysticum (sorte de poivre) et utilisé pour cicatriser les plaies.

 

Toutefois, il nous semble difficile de décrire ce rituel avec exactitude. Néanmoins, nous pouvons avoir une idée de qu’il s’agit en abordant le phénomène à travers ses acteurs, les instruments utilisés, les tatouages tatoués et les raisons pour lesquelles on se tatoue.

 

Les acteurs et les outils

Dans son article, Un modèle d’identité : le tatouage aux îles de la Société, Anne Lavondès nous montre qu’ « il concerne en priorité les adolescents de sexe masculin et les jeunes hommes adultes ». Toutefois, des jeunes filles peuvent être tatouées, comme en atteste le témoignage de Joseph Banks. Comme l’écrit Jean-François Durban, dans son ouvrage Les acteurs de la tradition en Polynésie  française, « si l’on poursuit la lecture du mythe, on s’aperçoit que le tatouage n’est pas l’apanage  de la masculinité. Ellis dit à propos de la sœur séduite : « Pour être tatouée elle-même, elle trompa la vigilance de sa mère, brisant la clôture qui avait été érigée pour sa protection et fut tatouée. Elle devint aussi la victime du dessein de ses frères. » »[4]. Selon Raymond Graffe, grand prêtre, « le tatouage s’effectuait en une seule séance. […] on tatouait les filles entre huit et dix ans car on jugeait préférable qu’elles atteignent la puberté déjà tatouées. Quand aux garçons, on commençait à les tatouer entre onze et douze ans, mais leur ornementation était rarement complètement achevée avant l’âge de 30 ans. »[5] Ainsi, les personnes concernées par le tatouage sont les filles âgées de 8 à 10 ans et les garçons, à partir de 10 ans jusqu’à environ 30 ans.

 

Anne Lavondès ajoute également « pratiqué, comme la superincision, au cours de l’enfance ou de l’adolescence, le tatouage n’était pas une obligation, mais il n’aurait pas été convenable pour un Tahitien de ne pas être tatoué du tout. »[6] On constate donc que le tatouage concerne aussi bien les filles que les garçons et qu’il est omniprésent dans la société tahitienne sans pour autant être obligatoire. On peut également rajouter que le tatouage touchait toutes les classes de la société, mais qu’il était plus développé dans les classes sociales élevées telles que celle des ‘arioio(société secrète religieuse et serviteurs de ‘Oro (dieu de la guerre)).

 

Malgré le peu de données que nous possédons sur le tatouage avant son interdiction par les missionnaires, on peut supposer qu’il y avait un pratiquant-tatoueur aidé de deux officiants, qui aidaient le tatoueur tout en maintenant le tatoué. Cependant, on ne sait pas d’où tire ses connaissances le tatoueur, ni s’il est issu d’une classe sociale spécifique. Est-ce réservé uniquement aux hommes ? ou bien est-ce qu’un tatoueur peut être aussi une femme ? Suit-il une formation spéciale ? Le tatoueur est-il un ancien aide-officiant ? On ne sait pas.

 

 

 

Toutefois, on sait quels étaient les instruments utilisés. Le tatoueur utilisait deux ustensiles : un bâton muni d’un peigne, fait d’os. Il pouvait s’agir de cochon ou d’os de rat. Raymond Graffe parle d’os humain, plus efficace car ils contiennent plus de mana que d’autres os,  ce qui permettait d’ancrer plus d’ancestralité dans la peau du tatoué.

 

 

Peigne___tatouer

Peigne à tatouer

 

A cela s’ajoute un plus petit bâton, qui était utilisé comme une sorte de percussion : le tatoueur tenait d’une main le peigne et de l’autre il frappait le premier pour enfoncer les dents du peigne, imprégnées de teinture, dans la chair. La teinture utilisée était obtenue à partir de la noix de bancoule Tiairi.

 

 

Les tatouages

Bien qu’on ne sache pas comment était formé le tatoueur, on connait quelques motifs. Dans l’ouvrage Tahiti tattos, Raymond Graffe écrit « les motifs des tatouages étaient nombreux et s’appliquaient sur une grande partie du corps. Chaque dessin portait un nom spécifique : certains sont toujours connus, comme ceux que l’on applique sur le dos (Papai Taputua, Urupo’o), sur les lobes et les fesses (A’ie), sur le visage (A’ie Aro). Certains motifs reprenaient des formes conventionnelles, comme les étoiles, les cercles, les losanges, etc. ; d’autres évoquaient la vie sociale : l’Uru, les combats, les armes de guerre, les sacrifices humains au Marae ; enfin les chiens, les oiseaux et les poissons fournissaient également une source d’inspiration aux artistes du tatouage. […] »[7].

 

Les raisons (co-ritualité)

 

Pour expliquer le tatouage et étayer son argument selon lequel le tatouage aux îles de la Société est un modèle d’identité, Anne Lavondès tente de retracer l’historique du tatouage. Elle nous montre qu’on ne peut que théoriquement, et elle insiste dessus, distinguer quatre grandes catégories significatives, auxquelles correspondraient un type de tatouage spécifique :

 

« - accomplissements de rites sociaux (amo’a), de l’enfance et de la puberté, éventuellement du mariage (ou de la sexualité) et de la procréation. Taches, pointillés, et autres motifs surtout sur les bras, les épaules et les mains; tatouages des fesses et grandes arches des hanches ;  

 

- symboles d’appartenance territoriale, tribale ou familiale, éventuellement en relation avec la naissance et le rang social. Marques peu visibles au front, au-dessus de la lèvre supérieure, à l’oreille ; peut-être sur les pieds, aux chevilles; autres emplacements? Probablement des motifs figuratifs (coq, lézard, insectes) ;

 

- appartenance à une confrérie (comme celle des ‘arioi; et guildes professionnelles?). Grande marque ovale des arioi sous le sein gauche et sous une omoplate. Larges bandes noires dentelées sur les bras et les jambes. Jambes très décorées pour les ‘uvue parai;

 

- événements de la vie personnelle représentés par des objets ou par de véritables scènes (par exemple, homme à cheval en mémoire de OMAI). Sur le corps et les jambes - Marques de deuil (?) »[8]

 

 

 

Le rituel du tatouage à Tahiti aujourd’hui (rituel « actuel »)

Renaissance du phénomène

Du fait de son interdiction par les missionnaires anglais dans les années 1820, qui le jugeaient contraire aux nouvelles règles qu’ils étaient en train d’imposer, le tatouage polynésien à Tahiti a subit d’importantes transformations.

 

C’est dans les années 1970 et 1980 qu’on assiste à une renaissance du phénomène. Bruno Saura, dans son ouvrage Tahiti Ma’ohi, Culture, identité, religion et nationalisme en Polynésie française, nous montre que c’est grâce au contact des Samoans, où le tatouage a gardé une place importante, que le tatouage à Tahiti a pu renaître. Devenus les symboles de cette renaissance en se faisant tatoués presque intégralement (excepté le visage, les mains et les pieds) aux îles Samoa,  Ioteve Tuhipa (danseur) et Tavana Salmon (danseur, chorégraphe et metteur en scène) diffusent et initient des jeunes gens  aux techniques du tatouage traditionnel. On voit donc le lien entre le tatouage et la danse, qui a permis à celui-ci de reprendre force et vigueur dans une société où il était oublié.

 

Description du rituel

Nous tenterons de décrire ici la pratique du tatouage en nous basant sur des articles de presse, issus de la revue Tahiti presse, relatant la Convention Tattonesia 2008. Etant donné qu’il s’agit d’un évènement particulier qui a lieu une fois par an, on peut mettre en doute le déroulement de l’évènement, au sens où cela ne semble pas se passer de la sorte dans un salon de tatouage. Mais nous reviendrons sur cela par la suite.

 

Dans son article « Impressionnante cérémonie traditionnelle de tatouage samedi lors du festival "Tattoonesia 2008" »[9], Christian Durocher nous décrit le cérémoniel mis en place lors du festival Tattonesia. La cinquantaine de participants (tatoueurs polynésiens et étrangers) sont arrivés en pirogue et ont été accueillis par un ‘orero (discours en langue tahitienne, portant ici sur le caractère sacré du tatouage) de Raymond Graffe. Puis, s’en suivirent tambours et conques, annonçant le début de la manifestation[10], mais dont le but était aussi d’éloigner les mauvais esprits. Par la suite un repas traditionnel (le Ma’a Tahiti, repas traditionnel et souvent servis le dimanche ou les jours de fête) fut servis, accompagné de danses des îles de la Marquise.

 

En salon, l’opération du tatouage ne se déroule pas de la même manière. Bien que nous n’ayons pas assisté à une séance de tatouage, on peut supposer que la relation entre le tatoueur et le futur tatoué est d’ordre plus mercantile. Qui plus est, les tatoueurs tahitiens reconnus (Roonui, Chimé, Vatea ou Purotu pour ne citer qu’eux) affirment que le tatouage réalisé est unique et correspond à la personnalité du tatoué. Ainsi, le marquage de type tahitien est interprété selon le tatoueur.

 

Les acteurs et les outils

 A l’heure actuelle, les personnes se faisant tatouer sont des hommes et des femmes, aussi bien tahitiens (et par extension polynésiens) que des étrangers. Ces personnes se font tatouer par choix personnels. Dans une interview accordée à la Dépêche de Tahiti[11], Roonui (tatoueur tahitien mondialement reconnu) explique que sa clientèle se compose essentiellement de militaires et de touristes. De plus, elles doivent être âgées de 18 ans au minimum ou alors d’être accompagné d’un parent autorisant le tatouage.

 

Comme nous l’avons fait remarquer précédemment, le renouveau de tatouage tahitien est dû à Tavana Salmon, qui doit ses connaissances à des tatoueurs samoans. Initiateur de ce renouveau, il a formé d’autres personnes afin de diffuser l’art du tatouage. On peut également citer Raymond Graffe. Se définissant et reconnu comme « grand prête » des cérémonies traditionnelles tahitiennes et comme maître tatoueur, Raymond Graffe fait parti, selon Anne Lavondès, des tatoueurs « classiques » utilisant les techniques traditionnelles : bâton-peigne et teinture de noix du bancoule Tiairi.  A cela, s’ajoute un autre groupe de tatoueurs qu’A. Lavondès qualifie de « modernes » et qui sont dans la lignée de R.Graffe. On peut distinguer les « modernes classiques » (tels que Purotu, Vatea ou Ellis Tautu) qui utilisent les outils traditionnels[12].

 

 

 

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Photo d’Ellis Tautu (tatoueur tahitien) (Photo personnelle du tatoueur)

 

 

 

Plus modernes, des tatoueurs comme Roonui ou Chime utilisent le laser. Ils commencent par faire un dessin préliminaire et unique (ils insistent dessus). Il s’agit de tracer les grandes lignes du futur tatouage, les détails seront fait plus tard au laser. Cette branche de tatoueurs travaille au laser mais à main levée : le dessin est de l’ordre de l’inspiration du tatoueur et en accord avec la personnalité du tatoué. Roonui parle à ce propos de mana : « Je n’ai jamais demandé à être tatoueur, c’est une sorte de mana (force occulte) qui m’a poussé vers ça, c’est ce mana qui appuie mes dessins. Quand je les finis, il y a toujours quelque chose de plus que moi-même, un autre signifié, c’est l’influence de ce mana. »[13].

 

 

Les tatouages

Comme nous l’avons dit, chaque tatouage est unique et correspond à la personnalité du tatoué. Bien que les tatoueurs se basent sur des motifs du corpus des tatouages traditionnels, chaque tatouage est une interprétation d’un motif traditionnel de la part du tatoueur.

 

Voici quelques exemples de tatouages selon les tendances observées :

 

¨       Tatouages de la branche « moderne classique »



 Purotu_tatouage_bras

Photo de Purotu : tatouage du bras

 

 

 Purotu_tatouage_dos

Photo de Purotu : tatouage du dos

 

 Vatea_tatouage_collier

Photo de Vatea : tatouage poitrine

 

¨       Tatouages de la branche « moderne plus moderne »

 

 Chim__tatouage_reins

Photo de Chime : tatouage reins

 

 Roonui_tatouage_mollet

Photo de Roonui : tatouage mollets

 

 

 

Comparaisons

Comparaison entre le rituel « initial » et le rituel « actuel »

 

 

Avant l’interdiction

« rituel initial »

A l’heure actuelle « rituel actuel »

Qui tatoue?

Les prêtres tatoueurs (lien avec la religion ?)

Deux tendances :

 Les « classiques »

Ex: Raymond Graffe

 Les  « modernes »  avec les « modernes « classiques » »

 Ex : Purotu / Vatea

et les « modernes plus « modernes »

Ex : Roonui / Chimé

Pour quelle(s) occasion(s) se fait-on tatoué?

Hypothèses (Anne Lavondès) :

- Accomplissement de rites sociaux de l’enfance et de la puberté, pê du mariage (ou de la sexualité) et de la procréation

- Symboles d’appartenance territoriale, tribale, familiale OU sociale

- Appartenance à une confrérie

- Evènements de la vie personnelle

- Marques individuelles

- Thèmes mythiques

- Thèmes purement décoratifs

Choix personnels

Qui est tatoué?

- Filles à l’âge de 8 – 10 ans

Garçons à partir de 10 ans jusqu’à environ 30 ans

à Fortement lié à la société de ‘arioi

- Hommes et femmes

- Tahitiens ET étrangers

Comment tatoue-t-on?

- Au peigne et un petit bâton avec de la teinture obtenue à partir de la noix du bancoule Tiairi (maître + aides)

- Au peigne et un petit bâton avec de la teinture pour les « MC » et au laser pour les « MM »

 

 

 

Comparaison entre le rituel du tatouage polynésien à Tahiti et le tatouage samoan (à l’heureactuelle)

 

Après avoir comparé le rituel avant son interdiction par les missionnaires et ce que l’on peut observer aujourd’hui, nous allons tenter de comparer le rituel tahitien avec le rituel samoan.

 

Nous avons vu auparavant que l’opération du tatouage polynésien à Tahitien était plus de l’ordre mercantile mais que le tatouage en lui-même était unique bien qu’il s’inspire des motifs traditionnels.  Sébastien Galliot décrit l’opération du tatouage samoan comme pouvant durer plusieurs semaines : « Le rituel dure en moyenne une dizaine de jours pendant lesquels le corps des patients subit différents traitements. Il est soumis à un certain nombre d’interdits. L’isolement, la douleur, les restrictions imposées au corps constituent les attributs désormais classiques de la « liminalité » caractéristique des rituels de passage (Van Gennep, 1987). Les patients doivent adopter des habitudes corporelles contraires à celles habituellement en vigueur à Samoa. Ils doivent cesser de se couper la barbe et les cheveux et prendre leurs repas séparément du reste de la maisonnée le matin avant chaque séance. Ils doivent en outre s’abstenir de tout rapport sexuel et ne pas se déplacer non accompagnés de jour comme de nuit. Ces règles s’appliquent surtout au tatouage masculin dont la durée peut s’étendre sur plusieurs semaines. Le tatouage féminin (fig. 3, 6, 13, 14, 15), lui, est soumis aux mêmes restrictions mais, dans la mesure où l’opération ne dure qu’une journée, elle pèse moins sur les patientes. Au sortir de la période de séparation, les patients sont réintroduits dans la société lors d’une cérémonie d’onction (fig. 7 et 8) qui marque la fin de l’opération et consacre le changement d’état des personnes concernées : ici le passage de non-tatoué (pula’u) à tatoué (soga’imiti). Ils exécuteront ensuite une danse (fig. 15 et 16) en exhibant les parties tatouées de leur corps. »[14]

 

On peut donc constater que l’opération du tatouage aux Samoa possède un caractère plus « traditionnel » au niveau de la ritualité, bien que cela soit relatif et discutable. Disons que ce qu’a observé Sébastien Galliot sur son terrain est plus « étiquetable » au sens où cela a tendance à correspondre aux catégories déjà crées. Cependant, cela ne signifie pas que le tatouage polynésien à Tahiti n’est pas de l’ordre du rituel. Ainsi peut-on considérer le tatouage polynésien à Tahiti comme un rituel ? Pour tenter de répondre à cette question, arrêtons-nous sur les différents apports sur le sujet.

 

Ritualité

 

Les différents apports

Au cours du séminaire, nous avons pu voir que le rite (ou rituel) était un concept problématique. Selon Claude Lévi-Strauss, il s’agit d’une illusion crée par le chercheur, car c’est un terme à la fois générique et qui n’apparaît pas dans la société dans laquelle le chercheur travaille. C’est pour cette raison qu’on peut affirmer qu’il s’agit d’un idéal-type car cette catégorie de « rite » sert à qualifier des pratiques dans un contexte spécifique qui ne sont pas désignées comme telles par les acteurs. Ce concept pose d’autant plus problème qu’il est extrêmement répandu. Il apparaît dans tous les contextes possibles, d’où sa tendance à se diluer. La question du rite pose également un problème historique. En effet, elle a longtemps été abordée sous l’angle religieux. Or, comme nous allons le voir par la suite, le rite n’est pas forcément de l’ordre du religieux.

 

Pour Victor Turner, le rituel est un système de symboles multivoques ou polysémiques, c’est-à-dire qu’ils possèdent plusieurs sens, qui ont pour caractéristiques d’unir les différences et les contraintes. Ainsi, les symboles, et par extension le rituel, sont des stimuli des émotions. Claude Lévi-Strauss a mené une longue discussion avec Victor Turner sur le statut des émotions. Selon lui, le rituel n’est pas une réponse à certaines formes d’anxiété. C’est pour cela qu’il propose  une nouvelle méthode d’analyse pour comprendre le rite. Le rituel est conçu comme un ensemble d’action : il s’agit d’un ensemble de paroles proférées, de gestes accomplis et d’objets manipulés, indépendamment de toutes gloses ou exégèses permises en dehors de ces activités. Ainsi, la méthode proposée par C. Lévi-Strauss propose de différencier ce type d’activités dans la vie profane et dans la vie rituelle. S. J. Tambiah reprend cette idée d’action pour définir le rite comme une forme d’action, s’inspirant de la linguistique et notamment de John Austin pour qui « dire c’est faire ». Tambiah insiste sur l’aspect performatif du rituel. En effet, il cherche à savoir ce que dit le rituel à travers la performance.

 

Compte tenu de ses différentes théories, peut-on parler de rituel en ce qui concerne le tatouage polynésien à Tahiti à l’heure actuelle ?

 

 

 

Le tatouage polynésien à Tahiti : évolution de la ritualité

 

Au regard des différents apports sur le sujet, nous aurions tendance à répondre que non, puisqu’il n’y a pas des paroles spécifiques à l’opération du tatouage, que les outils utilisés et la gestuelle relèvent d’un « savoir-faire » et qu’il ne s’adresse pas à une catégorie spécifique de la population.

 

Toutefois, comme nous l’avons vu, certains tatoueurs  affirment que chaque tatouage est unique et qu’il est fait en fonction de la personnalité du tatoué (cf. Chime). D’autres affirment que l’on ne peut pas tatouer tout et n’importe quoi, telles que les marques d’appartenances familiales (cf. Raymond Graffe et Chime).

 

De ce fait, on pourrait affirmer que le tatouage à l’heure actuelle à Tahiti est un nouveau rite, au sens où le tatouage apparaît comme  une quête singulière dont le but est de sacraliser l’individu en tant qu’entité divine.  Si l’on se réfère à Michèle Fallous et à son ouvrage A la recherche de nouveaux rites, Rites de passage et modernité avancée, on peut voir que le rituel existe toujours à l’heure actuelle dans les sociétés dites « individualisées, technicisées et désenchantées ». Dans sa quête de nouveaux rites, l’auteur met en évidence l’innovation individuelle. Face à la triple insatisfaction à laquelle ils doivent faire face (religion, thérapie ou rien), les individus mettent en place des stratégies. Il s’agit de stratégies d’innovation, consistant à créer de « nouveaux » rites qu’ils considèrent comme de vrais rites. Il est intéressant de  voir que l’innovation s’appuie sur la croyance. En effet, les individus créent de nouveaux rites qu’ils considèrent et qu’ils estiment comme vrais, alors qu’il ne s’agit que de création. Cela pose donc la question de l’authenticité. Cependant, on pourrait répondre qu’en faisant cela, ils sont tous aussi authentiques que les « vrais » rituels, puisqu’ils tentent de répondre de manière plus adéquate à leurs problèmes et d’être le plus proche de la réalité.  La recherche de nouveaux rites apparaît donc comme une tentative pour trouver une alternative, car ils ne peuvent se résoudre à abandonner l’idée de rite.

 

Ainsi, « les gens « voudraient » du sacré pur sans propagande » (vidéo visionnée en cours, le père Lacroix).Par conséquent, le tatouage polynésien est un nouveau rite puisque le singulier est sacralisé en tant qu’entité divine. Rappelons-nous des propos de Roonui qui affirmait qu’il était investit de mana. On peut supposer qu’une partie du mana de tatoueur se transfert au tatoué via son nouveau tatouage via l’action de tatouer. Le tatouage est d’autant plus de l’ordre du rituel qu’il met littéralement en scène le corps. On voit donc que le tatouage polynésien a évolué au cours du temps se qui a eu pour conséquence de faire évoluer son caractère rituel.

 

 

 

Phénomène d’auto-désignation

 

Nous venons de voir que le tatouage polynésien à Tahiti avait subit une évolution au niveau de la ritualité. Maintenant, peut-on affirmer que le tatouage polynésien à Tahiti est un phénomène d’auto-désignation ?

 

Les différents apports sur le sujet

Selon Alexandrine Brami Celentano, on assiste à un renouveau identitaire et culturel à Tahiti se basant sur la revendication d’une identité spécifique « ma’ohi », qui s’illustre par un fort sentiment d’appartenance et la pratique d’activités autrefois interdites (tatouages, danses, etc.) Pour elle, la pratique de ses ces activités jadis interdites représente un effort d’adaptation.

 

Elle écrit d’ailleurs dans son article « La jeunesse à Tahiti : renouveau identitaire et réveil culturel » : « Cet effort d’adaptation est caractérisé par un phénomène de disjonction entre, d’une part, une identité réelle définie par le manque de ressources et la quête de repères identitaires et, d’autre part, une identité ma’ohi doublement survalorisée : survalorisée, d’abord, car tout entière tournée vers l’idéalisation du passé ancestral ; survalorisée, aussi, dans la mesure où l’affirmation identitaire et culturelle de ces jeunes se donne à voir à travers des activités qui, longtemps dénigrées voire interdites, sont aujourd’hui socialement reconnues comme légitimes et utiles au développement économique du Territoire. »

 

 Ainsi, en tant qu’effort d’adaptation par rapport à une « nouvelle ère » (période post-coloniale), on peut penser le tatouage polynésien à Tahiti et à l’heure actuelle comme étant un phénomène d’auto-désignation. En effet, à l’instar de Bruno Saura et d’autres chercheurs, on peut considérer le renouveau du tatouage polynésien comme un phénomène d’auto-désignation, au sens où il participe à la création d’une identité polynésienne. Qui plus est, ce phénomène d’auto-désignation se retrouve à travers l’utilisation récente du terme « ma’ohi », la danse, les chants, les sports, les heiva, etc.

 

Compte tenu du contexte actuel tahitien, peut-on considérer le phénomène d’auto-désignation comme étant un rituel?

 

Hypothèse et arguments

Si l’on accepte cette proposition comme quoi le tatouage  polynésien dans le contexte actuel tahitien est un phénomène d’auto-désignation, on peut se demander si ce phénomène dans ce contexte n’est pas un rituel.

 

Ainsi, notre hypothèse est la suivante : le phénomène d’auto-désignation que l’on observe actuellement à Tahiti est de l’ordre du rituel.

 

Pour étayer cette hypothèse, nous avançons plusieurs arguments :

 

- on observe depuis les années 1970 un discours spécifique sur la culture polynésienne. On peut d’ailleurs parler d’une tentative de « ma’ohisation » et « tahitianisation » de la société. En effet, sous l’impulsion d’Henri Hiro (cinéaste, poète, dramaturge et politicien tahitien), on a vu apparaître   une certaine prise de conscience politique. Bruno Saura écrit d’ailleurs « même si elle peut paraître fermée à certains, la définition de l’homme ma’ohi est un élément de mobilisation pour lutter contre les effets dévastateurs du discours colonial posant les origines de ces îles comme des Français et faisant de l’identité polynésienne une identité ouverte à tous ceux que la présence française a pu ou peut conduire en Polynésie »[15].

 

- depuis cette même époque, on assiste à une ré-introduction de pratiques jadis interdites, telles que tatouage, la danse, les chants, etc. En effet, depuis 2003, le gouvernement polynésien a crée une organisation Heiva nui dont le but est d’organiser pour le compte du gouvernement toutes les manifestations à caractère culturel, touristique, sportive, artistique, institutionnel et artisanal. L’année 2005 a, quand à elle, été marquée par la première édition du festival Tattonesia, réunissant tatoueurs polynésiens et étrangers, et dont le but est de susciter un intérêt  pour la Polynésie et sa culture. On peut aussi se référer au conservatoire artistique de la Polynésie française qui a pour tache notamment de promouvoir les danses et les chants polynésiens mais aussi de conserver par la reproduction écrite et mécanique le  patrimoine musical polynésien.

 

- de plus, on constate une certaine théâtralité de la culture. Jean-François Durban mentionne à juste titre la descente d’avion où le touriste est accueilli par un collier de fleurs au son d’un groupe de musique se prétendant traditionnel.  

 

- à travers ces différentes observations, on remarque qu’il y a une tentative d’assignation d’une identité polynésienne spécifique. Cette assignation d’une identité est institutionnalisée comme en atteste l’organisation Heiva nui ou le festival Tattonesia, qui est soutenu par le président, le ministre de la culture et l’office du tourisme. Ainsi, on peut voir la mise à l’œuvre d’un acte d’institutionnalisation. On peut donc tracer un parallèle avec la définition du rituel selon Pierre Bourdieu, pour qui le rituel est un acte d’institution dans le but d’assigner une identité. De ce fait, on peut voir le phénomène d’auto-désignation comme un rituel, puisqu’il y a une tentative d’assignation d’une identité polynésienne spécifique institutionnalisée par différentes institutions politiques.

 

Nos arguments ne sont que des pistes de recherche pour penser le phénomène d’auto-désignation à Tahiti. Rien ne remplace une enquête de terrain. 

 

Conclusion

Nos recherches sur le tatouage polynésien à Tahiti nous ont permis de penser la question de la ritualité. En effet, on peut voir que le tatouage polynésien à Tahiti aujourd’hui peut être considéré comme un nouveau rite. On a pu constater une évolution au niveau de la ritualité, qui peut être perçue comme une forme d’adaptation de la société polynésienne  face aux présences anglo-saxonne et française.

 

Qui plus est, cela nous a amené à réfléchir sur le phénomène d’auto-désignation.  Nous avons tendance à penser le tatouage polynésien à Tahiti aujourd’hui comme une forme d’auto-désignation. Il faudrait partir sur le terrain pour pouvoir vérifier cela.

 

Toutefois, nous sommes prêt à penser cette auto-désignation, que l’on retrouve sous différentes formes, comme un rite ou « nouveau rite » pour reprendre l’expression de Michèle Fallous.  

 

Ce travail nous amène à nous poser de nouvelles questions, notamment sur le phénomène de globalisation et de diffusion de la culture. En effet, on retrouve le tatouage polynésien partout dans le monde. Il possède d’ailleurs un nom plus générique : « tatouage tribal ». Cependant, une étude plus approfondie mérite d’être réalisée afin de voir si cette globalisation et cette diffusion sont porteuses d’éléments significatifs par rapport à notre sujet. Cela nous amène également à penser la question du syncrétisme, notamment par rapport aux circonstances de  l’évolution de la ritualité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

Ouvrages et articles

 

Celentano, Alexandrine, « La jeunesse à Tahiti : renouveau identitaire et réveil culturel » in  Ethnologie française, volume 2, TomeXXXVII, 2002, p. 647-661.

 

 

 

Durban, Jean-François, Les acteurs de la tradition en Polynésie française, Paris, éd. L’Harmattan, 2005, p.111.

 

 

 

Galliot, Sébastien, « Un rite de passage polynésien : le tatouage samoan » in Corps 1/2009 (n° 6), p. 77-94.

 

 

 

Gell, Alfred, Wrapping in images, Tattoing in Polynesia, Oxford, Claredon Press, 1993.

 

 

 

Graffe, Raymond, « L’opération du tatouage» in Barbieri, Gian Paolo, Tahiti Tattoos, éd. Taschen, 1998.

 

 

 

Lavondès, Anne, « Un modèle d’identité : le tatouage aux îles de la Société » in Cahiers des Sciences humaines, volume 26, n°14, 1990, p. 605 – 621.

 

 

 

Ottino-Garanger, Marie-Noël, « Tatouage et conception du corps aux Marquises, Polynésie française », in Journal français de psychiatrie, volume 1, n°24, 2006, p.12-16.

 

 

 

Saura, Bruno, Tahiti Ma’ohi, Culture, identité, religion et nationalisme en Polynésie française, Tahiti, éd. Au vent des îles, 2008.

 

 

 

Wiener, Simone, «  Le tatouage, de la griffe ordinaire à la marque subjective » in Essaim, volume 2, n°8, 2001, p.35-49.

 

 

 

Sites internet

 

·         Site du tatoueur Chime :

 

http://www.myspace.com/chimetattoo

 

·         Site du Conservatoire artistique de la Polynésie française :

 

http://www.conservatoire.pf/index.php?option=com_content&view=frontpage&Itemid=1

 

·         Site du tatoueur Ellis Tautu :

 

http://www.taututattoo.com/Home.html

 

·         Site de l’organisation Heiva Nui :

 

http://www.heivanui.com/

 

·         Site d’un tatoueur de style polynésien (Bernard Lompré) :

 

http://www.lompre.com/

 

Lompré, Bernard, « Rencontre avec Roonui » in La Dépêche de Tahiti, consultable sur le site de l’auteur: http://www.lompre.com/renc_roonui.php

 

Lompré, Bernard, « Rencontre avec Roonui », in La Dépêche de Tahiti, consultable sur le site de l’auteur : http://www.lompre.com/renc_roonui.php

 

·         Site du tatoueur Purotu :

 

http://www.purotu.com/

 

·         Tahiti presse :

 

Durocher, Christian « Impressionnante cérémonie traditionnelle de tatouage samedi lors du festival "Tattoonesia 2008" », 9 novembre 2009, in Tahiti presse, consultable à l’adresse suivante : http://tahitipresse.pf/2008/11/impressionnante-crmonie-traditionnelle-de-tatouage-samedi-lors-du-festival-tattoonesia-2008/

 

·         Site du tatoueur Roonui :

 

http://www.roonui-tattoo.com/

 

·         Site du festival Tattonesia :

 

http://tattoonesia.blogspot.com/

 

·         Southseas :

 

The Endeavour Journal est consultable sur internet à l’adresse suivante : http://southseas.nla.gov.au/index_voyaging.html (site de Paul Turnbull et Chris Blackall avec la collaboration de la bibliothèque nationale d’Australie, du centre d’études interculturelles et de l’université nationale d’Australie, dernière mise à jour du ?, consulté le 24 avril 2011)

 

·         Site du tatoueur Vatea :

 

http://www.myspace.com/vatea-manatahititatau

 

 

 

 

 



[1]  The Endeavour Journal est consultable sur internet à l’adresse suivante : http://southseas.nla.gov.au/index_voyaging.html (site de Paul Turnbull et Chris Blackall avec la collaboration de la bibliothèque nationale d’Australie, du centre d’études interculturelles et de l’université nationale d’Australie, dernière mise à jour du ?, consulté le 24 avril 2011)

Notre traduction : « Tahiti, Août 1769 : Je mentionnerai ici leur méthode de peinture corporelle ou « tatouage » comme ils l’appellent dans leur langue. Ceci est fait par l’application d’une couleur noire sous leurs peaux de telle manière à ce que cela soit indélébile ; tout le monde est tatoué à différents endroits du corps selon l’humeur ou les différentes circonstances de la vie. Quelques uns ont des figures d’homme, d’oiseaux ou de chiens peintes, mais ils ont généralement la figure « Z » peinte simplement ; les femmes  en sont généralement marquées, sur chaque jonction de leurs doigts et de leurs orteils et sur les pieds ; ou d’autres figures telles que des carrés, des cercles, des croissants, etc., que les deux sexes portent sur leurs bras ou sur leurs jambes. En bref, ils possèdent une variété infinie de figures parmi lesquelles cette marque et quelques autres, dont nous venons de parler, ont des significations, mais nous ne les connaîtront jamais aussi bien que nous le souhaitons. Leurs visages sont généralement vierges de toute marque. […] »

[2] Version que l’on retrouve dans son ouvrage Tahiti aux temps anciens.

[3] Notre traduction : « 5 juillet 1769 : Ce matin, j’ai assisté à l’opération du « tatouage » réalisé sur les fesses d’une jeune fille d’environ 12 ans, ce qui a confirmé, comme je le soupçonnais, la douleur provoquée. L’opération est réalisée à l’aide d’un large instrument prolongé d’une trentaine de dents d’environ deux inches de longueur chacune, dont résulte un dessin sanglant fait par une centaine de coups en une minute. La patiente supporta cela pendant environ une heure avec la résolution la plus stoïque ; cependant, la peine commença à être plus forte pour être endurée paisiblement, elle commença à se plaindre et bientôt éclata en lourdes lamentations, ce qui aurait volontiers persuadé le pratiquant d’arrêter l’opération ; elle fut toutefois maintenue par deux femmes qui la grondaient quelques fois, la frappaient d’autres fois et dans d’autres cas l’exhortaient à supporter la douleur. J’étais assis dans la maison adjacente avec Tomio pendant une heure, cela a duré pendant tout ce temps et ce n’était pas fini quand je me suis rapproché. Un seul côté de ses fesses avait été réalisé, l’autre ayant été fait auparavant. Les arcs sur les reins, pour lesquels ils ont beaucoup d’estime,n’étaient pas encore réalisés, la réalisation de ces derniers cause encore plus de peine que ce que je n’ai vu aujourd’hui, m’a-t-on dit. »

[4] Durban, Jean-François, Les acteurs de la tradition en Polynésie française, Paris, éd. L’Harmattan, 2005, p.111. Dans cette version du mythe, les trois personnages principaux sont frères et sœur. De ce fait, le tatouage symboliserait l’inceste.

[5] « L’opération du tatouage» Raymond Graffe  in Barbieri, Gian Paolo, Tahiti Tattoos, éd. Taschen, 1998.

[6] Lavondès, Anne, « Un modèle d’identité : le tatouage aux îles de la Société », Cahiers des Sciences humaines, volume 26, n°14, 1990, p. 605 – 621.

[7] « L’opération du tatouage» Raymond Graffe  in Barbieri, Gian Paolo, Tahiti Tattoos, éd. Taschen, 1998. p.73.

[8] Lavondès, Anne, « Un modèle d’identité : le tatouage aux îles de la Société », Cahiers des Sciences humaines, volume 26, n°14, 1990, p. 605 – 621.

[9] Durocher, Christian « Impressionnante cérémonie traditionnelle de tatouage samedi lors du festival "Tattoonesia 2008" », 9 novembre 2009, in Tahiti presse, consultable à l’adresse suivante : http://tahitipresse.pf/2008/11/impressionnante-crmonie-traditionnelle-de-tatouage-samedi-lors-du-festival-tattoonesia-2008/

[10] L’ouverture de ce festival consistait à réaliser un tatouage traditionnel de type samoan sur le danseur Eugène Kavera.

[11] Lompré, Bernard, « Rencontre avec Roonui » in La Dépêche de Tahiti, consultable sur le site de l’auteur: http://www.lompre.com/renc_roonui.php

[12] Il faut noter que le peigne n’est plus en os mais semble être en résine ou plastique et métal.

[13] Lompré, Bernard, « Rencontre avec Roonui », in La Dépêche de Tahiti, consultable sur le site de l’auteur : http://www.lompre.com/renc_roonui.php

[14] Galliot, Sébastien, « Un rite de passage polynésien : le tatouage samoan », Corps 1/2009 (n° 6), p. 77-94.

[15] Saura, Bruno, Tahiti Ma’ohi, Culture, identité, religion et nationalisme en Polynésie française, Tahiti, éd. Au vent des îles, 2008.

 

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